Le lundi 16 mars, en soirée, les chaînes de télévision françaises ont interrompu leurs programmes habituels pour diffuser l’allocution du président de la République, Emmanuel Macron.
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Ce discours du lundi 16 mars a généré une rupture majeure sur deux éléments : la rhétorique de la guerre, ici déployée face à un virus, et la résurrection de l’État providence. Nous étayons ici ces éléments et discutons en quoi ils révèlent une reconnaissance à la fois de notre vulnérabilité humaine, et de l’échec des politiques d’austérité.
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Les principes de la propagande de guerre
Dans les sciences sociales, les travaux de l’historienne Anne Morelli ont porté sur « la propagande de guerre ». Elle montre comment la rhétorique de la guerre s’incarne dans un discours. Parmi les dix principes identifiés, plusieurs peuvent être mobilisés pour analyser le discours du président de la République.
Principe n°3 : « L’ennemi a le visage du diable » est un concept qui permet d’éclairer le discours anxiogène à propos du coronavirus.
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Principe n°8 : « Les artistes et les intellectuels soutiennent notre cause » s’applique également à la situation si l’on entend que les corps de légitimité ont ici changé. Ceux qui jouent le rôle de cette certification à mener la guerre, c’est le personnel scientifique qui conseille le gouvernement français. Ils donnent un cadre sur lequel la France peut s’appuyer pour agir.
Principe n°9 « notre cause a un caractère sacré ». De tous les principes c’est sans doute celui qui est le plus prégnant dans la symbolique du discours du président.
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Une posture politique
La rhétorique de guerre est une posture politique. Elle permet de mobiliser la population française face à un ennemi commun. Elle permet à Emmanuel Macron d’apparaître comme celui qui pourra protéger son peuple si ce dernier consent à lui obéir,
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La (re-)découverte de la vulnérabilité humaine
Si le terme de « guerre » peut et doit être déconstruit pour révéler sa portée performative, il s’y cache aussi une autre dimension : une reconnaissance, même implicite, de notre vulnérabilité humaine.
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La résurrection de l’État providence ?
Cette vulnérabilité humaine et notre incapacité à faire face à cette crise « seuls » expliquent, en partie, le retour de l’État providence dans les discours. En rupture avec les postures libérales célébrant l’affaiblissement des services publics, nous assistons dans le discours d’Emmanuel Macron à une volte-face et une véritable résurrection de l’État providence tel que défini par des auteurs classiques du vingtième siècle.
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