Le géographe montre que notre système économique fonctionne grâce aux écarts entre des lieux puissants et des périphéries appauvries. Pour lutter contre ces inégalités, il prône la multiplication de petits territoires autonomes et collaboratifs, dont les ZAD sont un bon exemple.
De révolution industrielle en période coloniale, de crise de 1929 en Trente Glorieuses, on connaît par cœur l’histoire du capitalisme. Mais que sait-on de ses logiques territoriales, des rapports entre espaces dominants du grand capital et de la mondialisation, et territoires pillés ou délaissés ? Convoquant une littérature scientifique abondante (surtout chez les Anglo-Saxons), le jeune géographe belge Renaud Duterme propose une synthèse incisive intitulée Petit Manuel pour une géographie de combat (La Découverte, 2020). Refusant les étiquettes tout en assumant un côté militant - il est membre du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes qui ambitionne d’annuler la dette du tiers-monde -, il montre comment l’urbanisation et les difficultés des territoires ruraux, la déforestation de l’Amazonie ou la persistance d’écarts de développement entre «Nords» et «Suds» s’expliquent par le fonctionnement de notre système économique, qui a besoin de maintenir des écarts entre des lieux puissants et des territoires dépendants.
Parler de capitalisme mondialisé, c’est souvent évoquer des institutions comme les fonds de pension sans ancrage territorial. Comment les relier à la géographie ?
Ces acteurs économiques, chefs d’entreprise comme pouvoirs publics, mettent en concurrence les territoires et promettent des investissements à ceux qui seront les plus attractifs. Autrement dit, les collectivités territoriales constituent une sorte de marché des territoires et sont obligées d’être en concurrence les unes avec les autres. C’est ce que j’appelle la lutte des lieux : il faut attirer les grands centres commerciaux, les grands événements internationaux, sportifs ou commerciaux… A chaque fois, le décideur politique fait miroiter des effets positifs sur la croissance locale, promet des effets de «ruissellement». Mais quand on regarde a posteriori, les résultats réels sont très loin de ceux qui étaient promis, comme on l’a vu au Brésil ou en Grèce après les Jeux olympiques.
