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PROCÈS FRANCE TÉLÉCOM : QUELLE FORME PEUT PRENDRE UNE GUERRE ?

Par Sandra Lucbert et Lundi matin, en attendant son livre qui paraîtra en septembre prochain.


C’est le premier procès du management moderne. Du 6 mai au 12 juillet, France Telecom et ses dirigeants de la période 2005-2009 passent devant le juge pour le harcèlement moral de leur propres salariés. Sous couvert de modernisation de l’entreprise, Didier Lombard et son gang s’étaient jurés de faire partir « d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte » 22 000 employés, soit un employé sur cinq, entre 2007 et 2009. Et cela sans les licencier, par la seule grâce de techniques de management aussi innovantes que meurtrières. La mise en place de la « nouvelle organisation » a entraîné des dizaines de suicides, des centaines de dépression et, en effet, plus de 22 000 départs. Tout au long du procès, le syndicat Solidaires, qui est à l’origine de la plainte contre les patrons, publie des compte-rendus d’audience réalisés, jour après jour, par divers intervenants. Nous avions déjà publié le résumé du 6e jour par un rescapé de l’antiterrorisme puis celui du 14e jour du procès par Serge Quadruppani.

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...On pourrait se demander, à assister au procès France Télécom, comment des techniques disciplinaires aussi violentes ont été et sont encore (La SNCF, la Poste) utilisées à grande échelle, en toute décontraction. La visibilité structurelle d’un ordre social que peut produire un roman, le procès France Télécom la produit également. C’est pour harcèlement systémique que comparaissent la personne morale de l’entreprise et les six prévenus. Le procès France Télécom raconte une destruction d’échelle, organisée par des protocoles et des techniques. L’effet de liste des journées d’audience, où sont recensés, exposés, discutés des supplices - toujours les mêmes -, est comme la suite des péripéties de K, ou du narrateur de Ferdydurke : le spectacle d’une astreinte institutionnelle dégondée. Dans l’ordre salarial induit par des déréglementations concurrentielles voulues par l’Europe et nos gouvernements (pour France Télécom : privatisation sous Jospin, puis Fillon), les salariés, comme Joseph K, découvrent un matin un nouvel agencement - des injonctions démentes. Il y en a qu’elles massacrent (les salariés, surtout les fonctionnaires), et d’autres qui en tirent parti (les actionnaires).


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Pour voir la vidéo du débat du 17 février 2020: SANDRA LUCBERT, LA LITTÉRATURE CONTRE L’ÉCONOMIE


En documentant le procès de la direction de France Télécom au printemps dernier, Sandra Lucbert s’est rendue compte qu’il n’avait et ne pouvait avoir lieu, parce qu’il se tenait, non depuis un monde proscrivant les pratiques des prévenus, mais dans un monde où elles prolifèrent, dans un monde entièrement articulé dans une grammaire et des catégories néolibérales. Pour que ce monde puisse être condamné, il lui a donc semblé nécessaire de commencer par l’apercevoir - y compris en nous.




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