L’un des enjeux public et médiatique du débat sur les retraites futures est le fameux 14 % : selon le gouvernement Macron/Philippe, il faut absolument éviter qu’à l’avenir la part des dépenses de retraite dans le PIB dépasse 14 %.
À juste titre, nombre de mes ami.e.s économistes ou syndicalistes ont fait observer qu’avec un telle règle, au moins aussi stupide et arbitraire que les critères dits de Maastricht (dont celui qui impose que le déficit public annuel ne dépasse pas 3 % du PIB), le montant moyen des retraites serait à coup sûr de plus en plus faible (relativement à la richesse économique nationale par habitant) vu que le nombre des retraités va augmenter par rapport à la population totale dans les décennies à venir. La « part de gâteau » de chaque retraité va fondre au fil des ans si le « gâteau retraites » ne peut pas dépasser 14 % du gâteau PIB alors que le nombre de convives retraités augmentera nettement plus vite que celui des convives du gâteau PIB.
INEPTIE ÉCONOMIQUE
L’argument est imparable, mais je n’ai pas vu passer une critique complémentaire pourtant fondamentale : on ne peut pas comparer le gâteau « dépenses de retraites » au gâteau PIB sans commettre une grave confusion conceptuelle entre, d’un côté, des dépenses (qu’elles soient publiques ou privées) et, de l’autre, des « valeurs ajoutées », qui sont au cœur de la définition du PIB.
Qu’est-ce que le PIB, ce fétiche monétaire qui est censé mesurer en un seul chiffre agrégé la valeur de « ce que nous produisons chaque année » ? En simplifiant légèrement, c’est la somme de toutes les valeurs ajoutées produites par toutes les entreprises et tous les organismes privés ou publics dans la sphère de l’économie monétaire. Quant à la valeur ajoutée, par exemple celle d’une entreprise, c’est la différence entre son chiffre d’affaires (tout ce qu’elle vend) et ce qu’elle dépense en « consommations intermédiaires » : matières premières, électricité et chauffage, services informatiques, etc.
J’avais déjà attiré l’attention sur cette confusion entre dépenses et valeur ajoutée dans un billet publié il y a un an sous le titre « Macron recalé à l’épreuve d’économie du Bac : parler de la « part des dépenses dans le PIB » est une ineptie ! ». Ce billet débutait ainsi :
« Je cite Emmanuel Macron : « Nous dépensons en fonctionnement et en investissement pour notre sphère publique plus de la moitié de ce que nous produisons chaque année. ». Je ne sais pas si Macron énonce délibérément une « fake news » pour enfumer ceux qui l’écoutent, ou s’il y croit vraiment. Mais le système de formation et de déformation des élites est tel qu’on ne peut même pas exclure qu’on lui ait enseigné cette ânerie à l’ENA et qu’il la répète en boucle en même temps que ses petites phrases sur « le pognon de dingue ». Fin de citation de mon billet du 6 janvier 2019.
