La crise du coronavirus ébranle le monde d’une manière ahurissante. Et le confinement a le même effet qu’une grève générale : la mise à l’arrêt d’un système qui a failli sur les plans sanitaire et économique. C’est l’occasion de rebondir et de préparer une issue écologique et sociale.
Nous vivons un moment fascinant. ...rien ne se passe comme on l’imaginait.Tentons cependant de semer quelques cailloux sur le chemin menant à la compréhension de ce qui se passe.
La vengeance de la biodiversité
L’érosion globale des espèces est en route, on le sait, et la récurrence des pandémies du type de celle d’aujourd’hui est un effet de cette extinction massive.
La Chine moteur de la mondialisation
La maîtresse du jeu, maintenant, c’est elle....Le Covid-19 est un symptôme du saccage écologique que le développement industriel ahurissant de la Chine a causé en quelques décennies.
Internet, l’univers parallèle
Le virus s’est propagé à une vitesse extraordinaire, qui témoigne de l’intensité de la mondialisation, entendue comme la transmission des flux biologiques tout autant que marchands de tout point de la planète vers tout autre.
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Tout aussi prodigieuse est la vitesse de l’information, et la rapidité avec laquelle des dizaines de pays se sont imprégnés de cette nouvelle culture du virus, sachant ce qui se passait en Chine, en Iran, en Italie, où en étaient les recherches, débattant des mesures, des méthodes, des solutions.
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Par ailleurs, l’intensité des échanges dans l’univers parallèle pourrait expliquer la facilité avec laquelle, dans de nombreux pays et maintenant en France, on accepte d’être physiquement enfermés chez soi. Puisqu’au fond, c’est bien ce dont il s’agit avec l’interdiction des déplacements qui a été décrété en France : un emprisonnement volontaire.... Il reste à savoir ce que devient la liberté dans un tel cloisonnement des univers — alors que la domination s’exerce toujours, elle, par le contrôle physique des êtres de chair et de sens que nous sommes fondamentalement.
L’État pompier de l’incapacité néolibérale
Ce traumatisme économique, dont nous ne vivons encore que les prémices, révèle déjà deux choses :
. l’effet écologique de ce ralentissement brutal est déjà très perceptible,
. l’ébranlement actuel révèle aussi l’impéritie du dogme néolibéral — laisser les marchés agir et affaiblir le rôle économique de l’État — face aux crises. En Italie, en France, et bientôt sans doute aux États-Unis, la difficulté de gestion de la pandémie découle largement de l’affaiblissement du service public hospitalier poursuivi depuis des décennies. Quant à la crise financière qui s’amorce, elle découle largement du fait que le capitalisme n’a pas sérieusement régulé les fonds spéculatifs après la crise de 2008 ; de même, le choix des banques centrales a été depuis des années de soutenir, par le quantitative easing, les banques et les marchés financiers plutôt que l’économie réelle. Enfin, face à l’urgence, c’est à nouveau l’État qui est appelé à la rescousse des entreprises, en lâchant les vannes de la dette, du déficit public, allant même jusqu’à envisager les nationalisations de grandes entreprises en difficulté.
La grève générale est arrivée !
...puisque la table est renversée, il faut saisir le choc du coronavirus comme une chance. Il a déjà permis deux victoires inattendues, certes partielles : la suspension de la privatisation d’Aéroports de Paris et le report de la réforme des retraites. Et plus généralement, on peut voir le confinement actuel comme la mise en œuvre de la grève générale rêvée par tant de militants ! Le système économique est à genoux, et c’est maintenant qu’il faut réfléchir activement pour préparer la relève. Le principe en sera d’imposer la refonte écologique et sociale profonde que le mouvement alternatif revendique depuis des années : une régulation réelle des marchés financiers, une réévaluation des missions de l’État, notamment à l’égard des biens collectifs tels que la santé, une économie fondée sur le respect des limites de la biosphère, la réduction des inégalités.
Pour lire l'article d'Hervé Kempf sur Reporterre
