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Le confinement amplifie la numérisation du monde

Apéros Skype, soirées Netflix, militantisme 2.0… La numérisation du monde est en marche. Pour éviter que l’épidémie de coronavirus nous fasse «basculer dans la civilisation du sans contact», il faut réfléchir à «desserrer l’étau numérique sur nos vies», estime Matthieu Amiech dans cet entretien.


Au-delà des multiples difficultés personnelles que la situation entraîne, on sent qu’on vit un moment crucial. Cette crise sanitaire et économique peut favoriser de nouvelles éruptions de colère populaire, aussi bien que le basculement durable vers un ordre social plus autoritaire.

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on ne sait pas si l’épisode actuel va déboucher sur la décroissance de quoi que ce soit, mais on voit bien que la décroissance du numérique n’est pas prévue!

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Avec l’épidémie et le confinement, nous sommes non seulement privés de monde au sens culturel et politique, mais aussi de monde sensible : les rassemblements sont interdits — mêmes les cérémonies funéraires —, de nombreux marchés sont fermés, et les randonnées en forêt ou en montagne peuvent être sanctionnées. La seule chose qu’on nous laisse, notre seul accès au monde, c’est l’écran d’ordinateur. On s’y engouffre d’autant mieux que les outils numériques ont cette capacité de donner l’illusion qu’ils maintiennent ou recréent le monde autour de nous – l’illusion d’être ensemble, alors que nous sommes isolés.

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Le risque est que l’épisode en cours nous fasse pour de bon basculer dans la«civilisation du sans contact»

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Un peu partout, on se met à interdire les marchés de plein air, endroits s’il en est de contact humain, de sociabilité. Mais pourquoi fermer ces marchés si on laisse ouverts les supermarchés? Pourquoi ne pas plutôt aider à les organiser dans des bonnes conditions sanitaires? Cela traduit un manque de confiance dans la population, et probablement une volonté politique de favoriser la grande distribution.

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Cette numérisation semble inéluctable…


Oui, car elle constitue un projet politique, porté par les acteurs les plus puissants. ... Le quinquennat d’Emmanuel Macron en est l’illustration : via son planAction publique 2022, le gouvernement actuel a l’ambition de numériser l’ensemble des services publics en supprimant notamment les guichets physiques dans les gares, les postes, etc.

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La situation profite aux géants du numérique comme Amazon, Google, Netflix, etc.


Il faut avoir le courage de dire, sans complotisme, que pour l’industrie du numérique, la crise sanitaire est « une divine surprise ».


On observe des solidarités dans le monde réel


Bien sûr, des choses intéressantes émergent. La question, c’est comment faire pour que l’élan de solidarité ne soit pas entièrement canalisé par le numérique? Va-t-on réaliser qu’une authentique réappropriation de notre vie matérielle ne peut pas s’appuyer sur la haute technologie? Les vrais problèmes et les vraies solutions sont ailleurs, dans le monde concret.

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Avec la fermeture de nombreux marchés, des gens s’organisent directement avec les producteurs pour fixer des points de distribution, du coup plus ou moins clandestins. Et avec la contraction économique qui se profile, il va falloir beaucoup de travail et d’inventivité pour tisser des réseaux d’approvisionnement à la base de la société.


Un autre enjeu capital est le refus de la surveillance par drones, smartphones, reconnaissance faciale, qui se met en place ces jours-ci. Une partie suffisante de l’opinion va-t-elle se manifester fermement contre le traçage électronique?


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