top of page

LA COTISATION, PUISSANT MÉCANISME D’ÉMANCIPATION

REDISTRIBUER OU RÉPARTIR MIEUX ?


Pour beaucoup de celles et ceux qui aspirent à un monde plus juste, la redistribution que permet l’impôt est une arme qu’il faut revendiquer et défendre.

...

[Mais] si l’impôt permet de redistribuer le niveau de valeur économique qui ne lui échappe pas à travers l’évasion, la fraude ou les niches fiscales, il légitime du même coup le profit puisque c’est lui, en grande partie, qui le finance. Ainsi, « l’impôt prend acte de l’existence du capital et le taxe »  : il n’émancipe jamais véritablement les bénéficiaires de la redistribution fiscale car il tend structurellement à légitimer la première répartition des ressources, celle-là même à l’origine du besoin de redistribution en raison des profondes inégalités créées.

...

COTISONS : DÉCIDONS


Il existe justement un mécanisme bien plus émancipateur qui socialise une part de la valeur économique pour qu’elle soit gérée par les travailleurs qui l’ont produite : la cotisation sociale.

...

Elle correspond à une partie de la valeur créée par les travailleurs, est gérée par ceux-ci, et échappe aux logiques capitalistes d’allocation de ressources. 


C’est d’ailleurs cette idée qui fonde le régime général de la Sécurité Sociale mis en place à partir de 1946 : les Caisses d’Assurance Maladie sont alimentées par les cotisations sociales et, jusqu’à la fin des années 1960, ce sont des travailleurs élus par leurs pairs qui les dirigent. Le système de protection sociale « à la française » renferme ainsi originellement des principes de démocratie économique et sociale d’une ampleur inouïe, qu’il convient à présent de réactualiser

...

CHANGER LA DÉFINITION DU TRAVAIL


Comme l’énonce l’économiste et sociologue Bernard Friot, « l’impôt place la répartition de la richesse au cœur du débat, la cotisation y place sa production »

...

Ce mécanisme permet en effet de financer un certain nombre de salaires en outrepassant le marché. C’est d’abord le cas du salaire des soignants...

...

Dans le système de production capitaliste, ce qui transforme notre activité en travail c’est le fait qu’elle mette en valeur du capital. En octroyant aux soignants un salaire (grâce à la cotisation) alors même qu’ils ne mettent pas en valeur de capital dans un hôpital public qui n’appartient à aucun actionnaire, le régime général les reconnaît comme contribuant à la création de valeur économique, et commence à subvertir la définition capitaliste du travail.


Les caisses du régime général financent également d’autres rémunérations : celle des chômeurs, des retraités et même des parents, via la CAF.

...

Enfin, les caisses du régime général permettent de financer une autre forme de salaire socialisé, grâce aux prestations en nature [conventionnement].

...

MARGINALISER LA PROPRIÉTÉ LUCRATIVE DE L’OUTIL DE TRAVAIL


Par ailleurs, la cotisation se révèle encore plus émancipatrice quand elle permet aux caisses qu’elle alimente de financer l’investissement nécessaire à l’activité économique par subvention. Autrement dit, la subvention boycotte les crédits bancaires et les marchés de capitaux [construction des hôpitaux et CHU vers les années 1950].

...

Ce mécanisme permet donc de marginaliser la propriété lucrative de l’outil de travail : ainsi financé, l’hôpital n’appartient à aucun propriétaire cherchant à s’accaparer une part de la valeur produite par le travail du personnel hospitalier. Cette copropriété d’usage gagnerait à être étendue à bien d’autres secteurs.

...

LE SABOTAGE DU RÉGIME GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

...

Battu en brèche, le régime général de la Sécurité Sociale est de plus en plus financé par l’impôt et de moins en moins par la cotisation [2]. Il s’agit là d’un enjeu de classe de premier ordre : dès lors que c’est l’impôt qui alimente les caisses de la Sécurité Sociale, leur gestion devient affaire de l’Etat, non plus de celles et ceux qui en produisent la valeur.

...

L’annulation de cotisations sociales en sortie de Covid doit nous faire réagir : il s’agit de saboter encore davantage l’hôpital public, ni plus ni moins. Mais pour toutes les raisons évoquées ici, il est nécessaire d’aller au-delà de l’opposition aux allègements de charges : il est temps de rendre aux salariés l’important pouvoir qu’ils ont conquis, notamment grâce à des combats syndicaux et à l’expérience ministérielle d’Ambroise Croizat. 


Pour lire l'article de Romain Darricarrère sur Le vent se lève






bottom of page