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Arié Alimi : « Il ne reste plus à ce pouvoir que la violence »

De Rémi Fraisse à Cédric Chouviat, quels traits com­muns se dégagent des affaires de vio­lences poli­cières que vous avez eu à trai­ter ?


Ces affaires ont en com­mun plu­sieurs carac­té­ris­tiques. La pre­mière tient à la com­mu­ni­ca­tion éta­tique, avec la mobi­li­sa­tion d’une séman­tique des­ti­née à mas­quer la réa­li­té, c’est-à-dire la mort, la muti­la­tion cau­sées par des agents des forces de l’ordre. Prenons le cas de Rémi Fraisse1. Un com­mu­ni­qué de presse, dont on ne connais­sait pas vrai­ment les auteurs au départ, était repris dans la presse au len­de­main de son décès. On devait apprendre plus tard que le minis­tère de l’Intérieur était à l’origine de cette dépêche. Elle signa­lait un corps retrou­vé sur le chan­tier de Sivens. C’est tout. Comme pour sug­gé­rer un décès acci­den­tel… Dans un second temps, pour ins­til­ler le doute, on a évo­qué l’usage de drogues, la pré­sence d’explosifs dans son sac. Tout cela était faux, évi­dem­ment : l’objectif était d’orienter le public vers l’hypothèse de faits acci­den­tels, vers un scé­na­rio accep­table, d’é­car­ter toute res­pon­sa­bi­li­té de l’État ou des forces de l’ordre.

Jusqu’à trans­for­mer la vic­time en cou­pable, en cri­mi­nel pré­su­mé…


À l’étape sui­vante, lorsque les faits sont par­fai­te­ment éta­blis, oui, il y a des pos­si­bi­li­tés de culpa­bi­li­sa­tion, voire de cri­mi­na­li­sa­tion de la vic­time ou de sa famille. Dans le cas de Geneviève Legay2, les auto­ri­tés ont vou­lu accré­di­ter, au départ, l’hypothèse d’un banal acci­dent, sans aucun lien avec les forces de l’ordre : un coup du sort fina­le­ment, contre lequel on ne pou­vait rien faire. Aussitôt après les faits, le pro­cu­reur de Nice, Jean-Michel Prêtre, avait regar­dé la France droit dans les yeux, en affir­mant qu’elle n’avait pas été tou­chée par les poli­ciers, que ceux-ci n’étaient pas res­pon­sables de ses bles­sures. Il se trou­vait pour­tant dans la salle de com­man­de­ment, der­rière les écrans de sur­veillance, au moment de la charge. Il a recon­nu, par la suite, avoir men­ti pour « pro­té­ger » le pré­sident de la République en évi­tant des « diver­gences trop impor­tantes » avec ses décla­ra­tions : Emmanuel Macron avait affir­mé, après les faits, que Geneviève Legay « n’[avait] pas été en contact avec les forces de l’ordre ». Lorsqu’il a été éta­bli qu’une inter­ven­tion des forces de l’ordre était en cause, on a lais­sé entendre que Geneviève Legay était res­pon­sable de ce qui lui était arri­vé. Souvenez-vous des mots du pré­sident de la République, qui lui a sou­hai­té « un prompt réta­blis­se­ment, et peut-être une forme de sagesse ». Sous-enten­du : par­ti­ci­per à une mani­fes­ta­tion, c’est prendre des risques et si ça tourne mal, on ne peut s’en prendre qu’à soi-même — cette dame de 73 ans aurait dû se tenir sage… L’objectif est tou­jours le même : dédoua­ner les forces de l’ordre, faire por­ter toute la res­pon­sa­bi­li­té des faits sur la vic­time.


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