La crise sanitaire a placé les agents d’entretien parmi les fonctions essentielles dans les hôpitaux, les supermarchés et l’ensemble des lieux publics ou commerciaux nécessaires à la continuité de la vie sociale. La reprise du travail, après le déconfinement, fait mieux apparaître encore la dépendance de toutes les professions vis-à-vis de ces salariés. Elle les expose, dans le même temps, à de nouveaux risques non seulement sanitaires mais également en termes d’intensification du travail.
Les besoins induits par les nouvelles exigences de désinfection et de nettoyage requises en temps de pandémie révèlent les ambiguïtés des logiques socio-économiques antérieures. C’est notamment le cas de la croissance de l’externalisation qui impacte profondément les conditions d’emploi des agents d’entretien et la qualité du service qu’ils peuvent atteindre sans forcément apporter les gains monétaires espérés.
Invisibilisés à force d’être extériorisés
Les salariés du nettoyage pris de manière large représentent plus de 2 millions de salariés (8 % de l’emploi et près de 15 % des femmes en emploi). Et si une partie d’entre eux travaillent auprès des particuliers, 800 000 personnes environ travaillent dans la fonction publique pour nettoyer les écoles, les hôpitaux ou les autres bâtiments publics et 450 000 sont salariés d’entreprises privées, dont près de la moitié relève de la branche de la propreté.
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Ces emplois occupent une place disproportionnée parmi les travailleurs pauvres : selon l’enquêteconditions de travail 2013 réalisée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), un travailleur pauvre sur six est agent d’entretien (un sur quatre si on inclut ceux qui interviennent dans les domiciles privés).
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Une dégradation des conditions d’emploi
Les salariés qui ont en charge le nettoyage occupent plusieurs professions qui se distinguent selon les bâtiments nettoyés (établissements scolaires, hôpitaux, bureaux, hôtels, etc.) mais aussi le type d’employeurs (État, collectivités territoriales pour la fonction publique, entreprises privées du secteur de la propreté mais aussi de tous les autres secteurs lorsque le service n’est pas externalisé).
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Les pouvoirs publics entretiennent la tendance
Le mouvement d’externalisation commence dès les années 1970 mais s’accélère dans les années 1980 et touche plus encore la fonction publique une décennie plus tard. Selon l’enquête emploi, alors que 7 % des agents d’entretien étaient externalisés au début des années 80, plus de 26 % le sont aujourd’hui (hors fonction publique ces taux passent de 16 % à 42 %).
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Dans les exemples d’externalisation que nous avons pu étudier, les réductions de temps de travail jouent un rôle majeur. Ainsi, un département confiant l’entretien de ses collèges à une entreprise privée provoque la transformation de contrat de 1 590 heures en contrats de 950 heures annuelles. Un établissement d’enseignement consommait 21h de nettoyage chaque jour en 2006, il n’en paie plus que 14h30 aujourd’hui…
Si un peu de productivité est gagnable avec une mécanisation accrue et une intensification du travail, l’essentiel des gains est obtenu par une diminution de la qualité du service.
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Les recherches portant sur les hôpitaux ont ainsi montré un lien entre la survenance de maladies nosocomiales et le recours à l’externalisation du nettoyage.
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si des mesures partielles peuvent améliorer les conditions d’emplois (hausse des minima conventionnels, redéfinition des temps de travail pour en réduire l’éclatement et la sous-évaluation, intégration des salariés dans la communauté de travail du donneur d’ordres, etc.) seule une remise en cause du processus d’externalisation semble à même de renverser la tendance à la délégation du « sale boulot » aux plus précaires.
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