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Le «moment Thatcher» d’Emmanuel Macron


La stratégie du gouvernement ressemble beaucoup à celle de Margaret Thatcher lors de la grève des mineurs, au mitan des années 1980 Emmanuel Macron est clairement tenté de s’inscrire dans ce mythe fondateur du néolibéralisme, quels qu’en soient les risques.

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En Angleterre, les mineurs ont finalement dû céder. Le 3 mars 1985, après un an de combat, ils reprennent le travail. La victoire du gouvernement est complète et aura des conséquences redoutables. Le système de 1945 est intégralement détruit. Tout est privatisé (à l’exception du système de santé, la NHS, largement laissée à elle-même), l’industrie britannique est ravagée. La NCB est privatisée en 1987 et le charbon britannique va disparaître assez rapidement. La priorité est désormais donnée à la finance, aux services aux entreprises et aux personnes. Le Royaume-Uni entre dans l’ère de la précarité, des bas salaires et des inégalités immenses.

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Avec la résistance des mineurs, c’est donc bien la résistance au néolibéralisme qui a été balayée. Cette victoire, annihilatrice du mouvement syndical,permet de mettre fin à toute tentative de construction d’une autre logique économique. Désormais, les travailleurs, convaincus de l’inutilité de cette lutte,se détournent du mouvement syndical et acceptent la marchandisation des rapports sociaux.C’est un élément central de la victoire culturelle du néolibéralisme, qui n’est pas qu’un paradigme économique mais aussi un paradigme culturel et politique. Malgré leurs maux, les classes populaires britanniques demeurent encore largement marquées.

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Dès lors, cette grève est devenue une référence pour l’imposition de ces politiques. La victoire de Thatcher en 1985 est bien une victoire de classe, comme celle de 1926.

Le parallèle avec la France

En imposant la fin des régimes spéciaux et une réforme à points qui est le fer de lance des futures politiques néolibérales, le gouvernement entend en quelque sorte « venger » 1987 et 1995. S’il impose son projet à un mouvement encore plus dur, alors il peut penser que c’en sera fini des résistances françaises. Le mouvement syndical sera déconsidéré, les résistances jugées inutiles, le monde du travail, atomisé, devra accepter la loi du marché. Et à l’avenir, libéralisations, privatisations et mises en concurrence seront finalement acceptées, comme ce fut le cas dans le Royaume-Uni des années 1990 et 2000.

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En maintenant la pression policière tout en voulant briser la lutte syndicale, le gouvernement semble bel et bien dans une stratégie proche de celle de Margaret Thatcher en 1984-1985. Le calcul est donc double : épuiser l’opposition et compter sur l’auréole d’une victoire historique pour remporter les élections de 2022, tout en envisageant une large conversion culturelle au néolibéralisme qui élargirait sa base sociale et assurerait des victoires futures.

C’est ainsi que les tories se sont maintenus au pouvoir jusqu’en 1997, ne cédant leur place qu’à un New Labour qui ne reviendra pas sur les évolutions de l’ère thatchérienne, bien au contraire. C’est ce calcul qui explique qu’Emmanuel Macron a cherché à imposer cette réforme en dépit même de l’absence d’urgence. Il lui fallait sa victoire « thatchérienne » pour rentrer dans l’histoire du néolibéralisme.

Ce calcul est-il le bon ? Certes, les tergiversations de la CFDT, qui ne sont pas sans rappeler celles de la TUC britannique en 1984, et l’absence de relais politique réel pourraient le laisser penser. Mais, en réalité, rien n’est moins sûr. D’abord parce que le mouvement social est plus vaste aujourd’hui en France, il concerne les enseignants ou les personnels de santé, par exemple.

Ensuite, parce qu'un tel récit n’est pas nécessairement transposable dans la France de 2020 En divisant le pays et en maltraitant le monde du travail, Emmanuel Macron pourrait aussi bien provoquer un sentiment de rejet de sa personne. Un sentiment dangereux lorsque la première force d’opposition est néofasciste.

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Margaret Thatcher s’est imposée parce qu’elle pouvait se prévaloir d’un moment historique : la crise du capitalisme d’État à laquelle elle a réussi à réduire la lutte syndicale. Aujourd’hui, la situation est différente. La crise des inégalités, particulièrement violente au Royaume-Uni, ainsi que la crise écologique, de plus en plus aiguë, montrent combien une politique néolibérale à la Thatcher est vaine aujourd’hui. Fonder sa politique sur un équilibre financier, une compétitivité coût et un désarmement du monde du travail, c’est aujourd’hui aller à contre-courant d’une histoire qui semble réclamer à nouveau le retour à la démocratie sociale et écologique. Trente-cinq ans plus tard, l’éventuelle victoire thatchérienne d’Emmanuel Macron pourrait bien être avant tout une victoire à la Pyrrhus.

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