C’est un mouvement social historique, d’une puissance et d’une endurance record – dépassant désormais celle de décembre 1995 – qui s’est levé pour défendre les retraites des travailleurs face à la contre réforme lancée avec brutalité par un régime Macron aux ordres de l’Union Européenne et du MEDEF.
Quels sont selon vous les points prometteurs du mouvement actuel et aussi ses points faibles qu’il faut travailler pour gagner cette bataille et les suivantes ?
Jean-Pierre Page : Les travailleurs en lutte depuis le 5 décembre et ceux qui les soutiennent, c’est à dire la large majorité de notre peuple ont compris une chose simple: ils vont devoir travailler plus longtemps et pour des pensions réduites. Ce constat que chacun peut faire, heurte l’esprit même de notre modèle social, héritage de nombreuses luttes sociales et politiques, du programme du CNR et des avancées progressistes de la Libération fondé sur la solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle. En fait, avec leur prétendue « réforme » le gouvernement, Macron et la commission de Bruxelles défendent un autre choix de société en livrant les milliards de nos caisses de retraite à la rapacité des assurances et des fonds de pensions notamment US. Cette réforme considérée par Macron comme « la mère des batailles » est le principal pilier de sa contre révolution libérale. Par conséquent, aujourd’hui agir pour sa retraite c’est lutter tous ensemble pour des valeurs et des principes, pour vivre dignement, et pour faire le choix d’une société qui ne sera pas fondé sur l’enrichissement de quelques entreprises financières et des oligarques privilégiés qui les dirigent.
Ce sentiment d’injustice que cette « réforme » inspire n’est pas indifférent à la détermination et à la combativité qui caractérise cette lutte dans laquelle se retrouve dans une grande diversité beaucoup de jeunes y compris étudiants et lycéens mais aussi par exemple des avocats ou le ballet de l’Opera de Paris. Ce qui est très positif c’est que l’action collective retrouve du sens, contribue à unifier à partir d’une conviction forte: nous sommes tous concernés, il faut retirer ce projet malfaisant! Ceci constitue une dimension inédite, qui tourne le dos aux corporatismes. Comme on ne l’avait pas vu depuis longtemps, le secteur privé se retrouve aux côtés du secteur public. S’il est fait principalement état du mouvement gréviste chez les cheminots, à la RATP ou dans le secteur de l’énergie, ou encore chez les hospitaliers ou les enseignants, beaucoup d’autres entreprises sont engagées dans la grève avec l’objectif de se faire entendre en bloquant l’économie et en frappant le Capital là ou ça fait mal. C’est le cas par exemple dans les raffineries comme celles de Lavera ou de Grandspuits, les ports pétroliers comme celui de Fos. Nous sommes entrés dans une nouvelle période de l’affrontement de classes et de la contradiction Capital/Travail.
On est face à la logique d’un capitalisme qui est la cause. Cette prise de conscience peut progresser très vite, si bien sûr une importante bataille de convictions est menée sur ce point et pas seulement sur les conséquences. Nous n’en sommes pas tout à fait là mais le processus ouvert depuis quelques années et singulièrement depuis plus d’un an avec la bataille des gilets jaunes a créé des conditions plus favorables. Cela peut permettre une avancée significative dans le rapport des forces entre le Capital et le monde du travail. Résister, se rebeller demeurent donc des idées bien vivantes. L’ampleur de l’action collective montre que l’initiative peut changer de camp. Elle peut permettre un recul de la résignation et de la fatalité. Évidemment la grève constitue un sacrifice très dur pour un grand nombre de travailleurs et de familles modestes a fortiori dans des périodes comme celles que nous vivons , ce qui appelle à des efforts importants pour contribuer à tenir et donc pour la solidarité qu’elle soit matérielle ou politique.

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