Plutôt que de corriger a posteriori les inégalités par la fiscalité, ne serait-il pas plus efficace d’agir en amont ? La source essentielle des inégalités est la possibilité de s’enrichir sans travailler grâce à la propriété lucrative, une propriété dont l’unique intérêt est d’obtenir des revenus : actions, obligations, immobilier de rapport. Ne serait-il pas temps d’en sortir ?
Les inégalités sont un des sujets qui reviennent en boucle dans le débat politique et pour cause : alors que de plus en plus de personnes vivent dans une précarité absolue, se demandant chaque jour comment elles vont faire pour payer les factures, notamment de loyer, d’autres disposent de patrimoines gigantesques et d’un train de vie fastueux dont l’impact écologique est souvent scandaleux. Une fois le diagnostic établi, se pose alors la question du remède.
La réponse la plus couramment apportée est l’approche fiscale avec l’application de taux progressifs : plus on gagne, plus le taux d’imposition est fort. Comptablement, ça marche. Dans la réalité, c’est plus compliqué. Si des taux d’imposition très forts ont existé pendant et après la seconde guerre mondiale, ils n’existent plus aujourd’hui. Trente ans de néolibéralisme nous ont montré que la solution de la fiscalité progressive était fragile : ce qui a été instauré peut très bien être détricoté année après année, l’exemple français de l’ISF en étant l’illustration la plus brillante.
Il convient donc de se demander pourquoi les gouvernements ont, depuis le début des années 1980 et quasiment partout dans le monde, diminué ces taux d’imposition. Si nous nous situons sur le terrain du débat d’idées, les taux progressifs servent à réduire les inégalités de façon à les placer à un niveau raisonnable. Mais quel est le niveau raisonnable ? Nous rentrons ici dans un débat totalement subjectif qui peut certes aller dans un sens égalitaire mais les dernières années nous ont montré l’exact inverse alors que les inégalités de revenus avant impôts se sont accrues. On peut se réjouir de voir une remontée du discours social démocrate sur les vertus de l’impôt progressif, mais ce n’est qu’un timide début et rien ne nous dit qu’il n’y aura pas reflux.
Posons-nous une autre question : plutôt que de vouloir reprendre a posteriori ce qui a été gagné dans le passé, ne vaudrait-il pas mieux s’attaquer à la formation même de ces revenus ? Les revenus monétaires se forment dans la partie marchande de l’économie (une partie de ceux-ci est transférée par les impôts dans la sphère non marchande de façon à permettre aux salarié.es du secteur non-marchand d’accéder aux produits de la sphère marchande). Or dans cette sphère marchande, les revenus se divisent en deux catégories : ceux qui proviennent du travail et ceux qui proviennent de la détention d’actifs qui sont des produits financiers (actions, obligations, …) ou des biens immobiliers que l’on destine à la location. C’est ici que se forment ces inégalités insupportables. A partir du moment où on dispose d’actions, d’obligations ou d’un patrimoine immobilier destiné à la location, il est alors possible de percevoir des revenus sans travailler et comme certains patrimoines sont importants, les revenus peuvent alors devenir gigantesques et sans aucune mesure avec les besoins réels.
