Dans la loi Pacte, il n’y a pas que la privatisation d’Aéroports de Paris et de la Française des jeux. Il y a aussi la sortie programmée de l’État du capital d’Engie et son désengagement de GRTgaz, qui exploite les gazoducs et les terminaux méthaniers français. Que faut-il en attendre, dans un contexte où les infrastructures gazières sont devenues une affaire de gros sous, dominée par une poignée de géants européens peu connus mais très influents ? Enquête de l’Observatoire des multinationales, avec ses partenaires européens du réseau ENCO.
C’est la privatisation cachée de la loi Pacte, promulguée en mai 2019. Il y a celle d’Aéroports de Paris, si controversée qu’elle pourrait faire l’objet du tout premier Référendum d’initiative populaire de l’histoire de la Ve République. Il y a la privatisation de la Française des Jeux et la sortie programmée de l’État du capital d’Engie, l’ex Gaz de France. Mais il y a aussi celle de GRTgaz, aujourd’hui filiale d’Engie, qui gère les terminaux d’importation et la grande majorité des gazoducs français. Une entreprise qui, contrairement aux autres, est totalement inconnue du grand public. Mais qui détient les clés de l’approvisionnement en gaz de la France [1].
Techniquement, il ne s’agit que d’une ouverture supplémentaire du capital de GRTgaz. Mais, couplée au désengagement total de l’État dans Engie, l’opération signerait le « démantèlement de la filière gaz » que ne cessent de dénoncer les syndicats du groupe. Elle pose aussi beaucoup de questions, à la fois sur la cession à des acteurs privés d’infrastructures stratégiques et des revenus que celles-ci génèrent, et sur la capacité de la France à engager une véritable transition énergétique sans se laisser dicter ses conditions par des grands groupes privés et par les marchés financiers.
Grandes manoeuvres gazières
Libéralisation ou pas, les Français continuent aujourd’hui à recevoir leur gaz naturel à domicile comme ils le font depuis des décennies. Tout au plus ont-il pu remarquer que les tarifs ont tendu globalement à augmenter. Mais à l’autre bout des tuyaux, ce sont les grandes manœuvres. Des milliers de kilomètres de gazoducs se construisent qui traversent les continents. D’énormes bateaux sillonnent les océans de l’Australie à l’Arctique, transportant du gaz sous forme liquéfiée. Au nom de sa sécurité énergétique, l’Europe s’est rapprochée de l’Azerbaïdjan malgré un bilan peu reluisant en matière de droits humains et de démocratie. Entre la Russie de Vladimir Poutine et les États-Unis de Donald Trump, la concurrence fait rage pour vendre au vieux continent le gaz issu respectivement des nouveaux gisements de l’Arctique (lire notre article : Autour d’un immense projet gazier dans l’Arctique, les liaisons dangereuses de multinationales françaises avec l’oligarchie russe) et des champs de gaz de schiste du Texas et de Pennsylvanie (lire : Le gaz de schiste américain arrive discrètement en France).
