Citations
«La culture d’une époque représente […] les règles auxquelles un individu doit se soumettre […] pour s’élever dans les hiérarchies et atteindre la dominance.» La nouvelle grille (p107, Folio essais).
«Tout petit Français, peut, nous dit-on, espérer un jour devenir président de la République. Mais on oublie d’ajouter : s’il respecte les règles du jeu, les jugements de valeur institutionnalisés par la bourgeoisie, en particulier la propriété privée, dont celle des moyens de production.» La nouvelle grille (p109, ibid.)
«On verra donc des sujets particulièrement efficaces […] sur le plan technique et parfaitement obtus sur le plan politique, puisque suffisamment satisfaits de leur dominance pour ne pas aller chercher à en voir lucidement les causes, la signification, ni surtout à la remettre en question.» La nouvelle grille (p143).
«Un prisonnier à l’intérieur des murs de sa prison est libre de rêver, et un PDG, libre apparemment de se déplacer, ne le fera qu’en obéissant au mythe aliénant de la propriété, de la rentabilité et de la production. La recherche de la dominance nous entraîne aux mécanismes les plus primitifs de notre système nerveux central aussi inéluctablement que les menottes des policiers». La nouvelle grille (p160)
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Dominer autrui, dominer la nature
«Le bénéfice d’une production industrielle accrue n’est souvent ainsi qu’un bénéfice à court terme et un drame à longue échéance […]. D’autres conséquences de la croissance ont été également invoquées : épuisement des ressources énergétiques, accumulation accélérée de déchets non recyclables dans les grands cycles de la matière. C’est ainsi que la recherche de la dominance à travers le mythe de la production des biens consommables, exigeant aussi de fortes concentrations humaines au sein des mégalopoles modernes, polluant au profit surtout des dominants (puisque c’est la recherche de la dominance qui en est la motivation) des biens collectifs, comme l’air, l’eau, l’espace bâti et l’espace sonore, […] arrive aujourd’hui à constituer une réelle menace pour l’espèce humaine tout entière.» La nouvelle grille (p156).
«Le problème consiste donc à comprendre comment le mythe de la croissance pour la croissance, et non pas seulement pour la satisfaction des besoins fondamentaux a pu s’instaurer, en occultant à ce point les motivations, qu’il est pris pour base des comportements sociaux en pays industrialisés, et qu’il peut aujourd’hui être défendu comme une fin en soi, comme la finalité même de l’espèce humaine, en l’enrobant de notions affectivo-mystiques, telles que celles du bonheur, des besoins, du progrès, de la domination de l’homme sur la marâtre nature, quand ce n’est pas celle du génie de la race blanche, ou d’un régime idéologique particulier.» La nouvelle grille (p105).
De l’insuffisance de l’insoumission sociologique
« Croire que l’on s’est débarrassé de l’individualisme bourgeois parce que l’on s’exprime à l’ombre protectrice des classes sociales et de leurs luttes, que l’on semble agir contre le profit, l’exploitation de l’homme par l’homme, les puissances d’argent, les pouvoirs établis, c’est faire preuve d’une parfaite ignorance de ce qui motive, dirige, oriente les actions humaines et avant tout de ce qui motive, dirige et oriente nos propres jugements, nos propres actions. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas s’exprimer ainsi et agir en ce sens, mais cela veut dire qu’il est utile de savoir que, derrière un discours prétendument altruiste et généreux, se cachent des motivations pulsionnelles, des désirs de dominance inassouvis, des apprentissages culturels, une soumission récompensée à leurs interdits ou une révolte inefficace contre l’aliénation de nos actes gratifiants à l’ordre social, une recherche de satisfactions narcissiques, etc. De sorte que lorsqu’une communauté d’intérêts permet à un groupe humain de renverser un jour le pouvoir établi, on voit aussitôt naître au sein du nouveau pouvoir une lutte compétitive pour l’obtention de la dominance, un nouveau système hiérarchique apparaître et s’institutionnaliser. Le cycle recommence.»L’Éloge de la fuite
Pour lire l'article (février 2017)
