L’annonce récente de la privatisation d’ADP et de la Française des Jeux a fait resurgir la question des privatisations au cœur du débat national. Si ces privatisations ont fait l’objet de vives critiques, leur adoption est désormais pratiquement actée, sauf si le référendum d’initiative partagée devait aboutir pour ADP. Par-delà la mutation économique de premier ordre que constitue ce geste, on peut aussi se demander ce que cela dit du rôle de l’État en France, de plus en plus désengagé et minoré. Dans le même temps, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de supprimer l’ENA et les grands corps ; la conception du service de l’État à la française semble donc réduite de toutes parts. Afin de mieux cerner l’idéologie à l’œuvre dans ces réformes, nous nous sommes entretenus avec François-Xavier Dudouet, sociologue chercheur au CNRS et à l’Université Paris-Dauphine, co-auteur de Les grands patrons en France : du capitalisme d’État à la financiarisation (Lignes de repères, 2010).
Le Vent Se Lève – Les voix réfractaires aux privatisations de la loi Pacte ont été très vives, avec plusieurs recours déposés devant le Conseil constitutionnel et le déclenchement par plusieurs groupes parlementaires du Référendum d’initiative partagée – RIP – contre ce projet. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi cette proposition de privatisation fait l’objet de tant d’objections ? Quelles seraient les conséquences concrètes de l’adoption de la loi Pacte ?
François-Xavier Dudouet – Cette levée de boucliers est en soi un événement. Sur le plan parlementaire, je pense que c’est la première fois que la gauche et la droite s’unissent contre un projet de privatisation. Auparavant, la gauche était plutôt contre les privatisations, tandis que la droite y était plutôt favorable. C’est très étrange de les voir réunies, là en 2019, contre ce qui reste à privatiser, en l’occurrence les aéroports de Paris et la Française des Jeux. C’est aussi une surprise parce que il y a un large consensus populaire contre la privatisation. Un sondage indique que 48 % des Français sont opposés à la privatisation d’ADP, contre seulement 20 % qui seraient pour. Et ça aussi, c’est assez nouveau, cette mobilisation contre les privatisations. En tant que sociologue qui travaille depuis un certain nombre d’années sur le sujet, j’interprète cette mobilisation de la part des Français comme une demande d’État.

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