D’où viennent ces jugements magnifiant les « élites » au pouvoir et méprisant les autres (citations parmi des dizaines) :
« Si on faisait des tests de QI à l'entrée des manifestations, [il n'] y aurait pas grand monde »… (Gaspard Gantzer, énarque hollando-macroniste de 39 ans, sur CNews le 18 janvier 2019. Il a par la suite présenté des excuses, mais telle était bien sa formulation spontanée).
« Nous avons probablement été trop intelligents, trop subtils » (Gilles Le Gendre, chef de file des députés LREM, Public Sénat, 17 décembre 2018).
"Les gens en situation de difficulté, on va davantage les responsabiliser car il y en a qui font bien et il y en a qui déconnent" (Emmanuel Macron le 15 janvier 2019 à Gasny).
« Dans les gares, vous croisez des gens qui réussissent et d’autres qui ne sont rien » (Macron, 29 juin 2017).
« Je crois à la cordée, il y a des hommes et des femmes qui réussissent parce qu’ils ont des talents, je veux qu’on les célèbre » (Macron, 15 octobre 2017).
Le système de tri social qui produit cela, et bien d’autres effets nocifs, repose sur une idéologie de la méritocratie, qui recouvre du manteau trompeur du mérite (ou talent) individuel des pratiques sociales inégalitaires d’exclusion et de refus de la démocratie. Cela existe depuis longtemps, mais la période récente marque une exacerbation de ces idées par une « élite » macroniste qui semble ne plus se contrôler. Les individus « sujets » de cet incroyable mépris ont commencé à réagir. Ils ont enfilé des gilets jaunes et manifesté un rejet de ces élites qui passent leur temps à les dévaloriser. Ce n’est pas la seule raison de leurs mobilisations, mais elle est partout présente.
On verra d’abord dans ce billet que la méritocratie comme idéologie de la récompense du mérite est devenue le principal argument de justification publique des inégalités par les dominants. Ce sera l’occasion de nous demander quel est ce « mérite » dont ils s’estiment dotés. Nous verrons ensuite que la méritocratie ne marche pas, même selon ses propres critères. Le système de tri social ne récompense pas les « méritants ». Le mérite est une notion floue et instrumentalisée par ceux que le système avantage et sélectionne. Enfin, on montrera que la méritocratie est incompatible avec la démocratie.
