Commentaire d'ASAV: L'auteur de l'article mentionne les privilèges de naissance, de sécurité de l'emploi (notamment les sinécures que se répartissent les puissants) et en nature, mais il en oublie, il me semble. Les Gilets jaunes ne cessent de demander "où va l'argent?". Il en part certes beaucoup dans ces privilèges, mais il en part aussi beaucoup à l'UE et plus encore dans les niches fiscales (dont la niche Coppé, dont on ne parle jamais, qui fait de la France un paradis fiscal pour les grosses entreprises) et autres allègements d'impôt ou de cotisations sociales (qu'ils appellent des "charges"). Je ne parle même pas des quelques 100 milliards d'euros d'évasion fiscale que nos dirigeants se gardent bien de contrecarrer. L'auteur ne mentionne pas non plus les subventions qui sont accordées, souvent de manière discrétionnaire, aux plus privilégiés (individus comme sociétés ou associations "à la mode".) Je n'en citerai que deux exemples. L'"exception culturelle" française au titre de laquelle une petite élite culturelle se partage un énorme gâteau qui permet d'offrir à des comédiens français, dont beaucoup sont des exilés fiscaux, des cachets supérieur parfois à ceux des acteurs étasuniens et les subventions aux médias assorties d'exemptions d'impôts aux journalistes. Pas étonnant que les artistes et les journalistes/éditorialistes qui en bénéficient soutiennent le système!
Notre système a atteint globalement un niveau d'injustice, d'inégalité et de corruption tel que,comme le dit l'auteur de l'article, il est normal que les peuples se soulèvent. Les solutions que nous proposons permettraient de résoudre la plupart de ces problèmes.
La dénonciation des « élites » est une façon de dissimuler habilement les privilèges dont dispose une frange beaucoup plus large de la population qui vit à l’abri de la crise. Le point de vue de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.
Qui sont les privilégiés dans la France contemporaine ? Vouloir régler la question des inégalités en s’en prenant à l’élite du pouvoir économique et politique arrange les couches favorisées. Corriger les dérives de quelques-uns, situés tout en haut de la hiérarchie sociale est une bonne méthode pour ne rien changer au fond du système qui produit les inégalités. Les super-riches ont amassé beaucoup d’argent ces dernières années, mais notre pays reste marqué par des privilèges dont dispose une fraction bien plus large de la population. Ceci alimente le ressentiment des catégories populaires et des tensions sociales qui s’expriment dans les urnes ou sur les ronds-points.
La France de tout en haut va très bien. Elle a certes subi en 2011 et 2012 une nette baisse de son niveau de vie du fait notamment de la hausse des prélèvements. Elle s’est cependant vite ressaisie et a obtenu de la nouvelle majorité de 2017 le jackpot, avec la quasi-suppression de l’impôt sur la fortune et, surtout, le passage à un impôt forfaitaire pour les revenus financiers [1]. Résultat, rien qu’avec cette seconde mesure, un gain de 100 000 euros l’an pour ceux dont les revenus sont de 400 000 euros : les 0,1 % les plus riches, selon l’Insee. La France de l’élite scolaire prospère tout autant. Ses « grandes écoles » restent fermées au peuple et ses élèves, choyés : la collectivité dépense 15 000 euros par an par étudiant en classe préparatoire aux grandes écoles, contre 9 000 euros dans les filières généralistes de l’université.
La « France des super-riches » est dénoncée à gauche, avec raison [2]. Pourtant, cette critique laisse sur sa faim. Tous unis contre les 1 % d’en haut ? On peut toujours trouver plus favorisé que soi. Cette vision simpliste des inégalités, très en vogue, conduit à faire l’économie d’une réflexion de fond sur les inégalités sociales qui structurent notre société bien au-delà des avantages dont dispose une poignée de dirigeants du « grand capital ». Elle permet aux autres catégories favorisées – déguisées dans le débat public en « classes moyennes supérieures » – d’éviter de contribuer davantage à la solidarité et de mieux partager les richesses avec les couches moyennes et populaires. Elle permet également d’éviter de réformer l’école pour donner les mêmes chances à tous à l’école.
Les privilèges vont bien au-delà des beaux quartiers et des grandes écoles. La stagnation du pouvoir d’achat de l’ensemble de la population est une moyenne artificielle qui masque la progression des plus riches. Au cours des vingt dernières années, leur niveau de vie annuel moyen des 10 % les plus riches a progressé de 11 300 euros pour dépasser les 56 000 euros nets après impôts et prestations sociales. Pendant ce temps, le revenu des 10 % les moins favorisés a augmenté de 1 400 euros (il atteint 8 400 euros nets annuels). Et même stagné sur les quatorze dernières années.
