L’exigence de justice fiscale ne peut se passer d’une remise à plat complète de la fiscalité des entreprises, très coûteuse et peu efficace. Le soutien au secteur privé et les certitudes du gouvernement sont pourtant largement démenties par les faits et études.
Un « grand débat » plein de tabous. Le gouvernement veut bien discuter fiscalité, mais en évitant des pans majeurs de la fiscalité française. On a vu comment patrimoines et successions étaient exclus du débat. Il en va de même de la fiscalité des entreprises. Cette question est pourtant centrale compte tenu de l’effort consenti depuis 2011 par l’État.
Elle est d’autant plus centrale que, depuis 2011, ce sont déjà les revenus des ménages qui ont dû supporter à la fois la baisse de la fiscalité des entreprises et la consolidation budgétaire. Du reste, ceux qui ne cessent de se lamenter sur la lenteur de cette consolidation feraient bien de s’interroger sur le poids des crédits d’impôts, subventions, aides diverses et réductions d’impôts accordés aux entreprises dans cette lenteur. L’ensemble de ce soutien a été évalué à 150 milliards d’euros par an par le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin lui-même en mai dernier. Rappelons qu’à son plus haut point nominal en 2010, le déficit français se situait à 149 milliards d’euros et qu’il s’est établi en 2017 à 67,7 milliards d’euros, soit plus de deux fois moins que le montant de ces transferts aux entreprises.
Depuis 2011, les cotisations sociales payées par l’employeur restent stables rapportées au PIB, selon Eurostat, autour de 11,3 % du PIB. Il en est de même pour les impôts sur la production corrigés des subventions versées (autour de 13,5 % du PIB). Le seul impôt sur les sociétés (IS), qui frappe le bénéfice des entreprises, a vu son rendement reculer de 44 milliards d’euros en 2013 à 35 milliards d’euros en 2017. Et cela ne prend pas en compte les nombreuses dépenses fiscales versées aux entreprises, comme le célèbre crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), 20 milliards d’euros par an, et le crédit impôt recherche (CIR), qui coûte un peu moins de 7 milliards d’euros chaque année.
Avec un tel poids accroché à ses pieds, le budget français a bien du mal à retrouver l’équilibre, sauf à aller chercher d’autres ressources dans les poches des classes moyennes et populaires, et des services publics. Et l’on trouve là une des sources de ce fameux « ras-le-bol fiscal ».
