Adam Smith (1723-1790) est en réalité très mal connu. Les néolibéraux et les défenseurs de l’ordre établi l’encensent en falsifiant systématiquement sa vision du monde. En fait, ils ne se préoccupent même pas de prendre sérieusement connaissance du contenu de son œuvre.
Quelques citations tirées de l’œuvre principale d’Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations [1], publiée en 1776 montrent à quel point son analyse de la société se réfère à la lutte des classes et permet de mettre en perspective ce que nous vivons aujourd’hui à l’heure du mouvement des Gilets jaunes. Bien sûr, citer Karl Marx permettrait de montrer à quel point l’analyse de ce révolutionnaire donne les clés essentielles pour comprendre ce qui se déroule sous nos yeux. Mais qui cela étonnerait-il ? Par contre, se référer à Adam Smith relève de la provocation. Il s’agit qu’on ouvre encore plus grand les yeux sur ce qui est en train de se passer et qu’on renforce nos arguments contre ceux qui considèrent l’injustice comme l’ordre naturel des choses. Un retour sur l’analyse des classes sociales réalisée par Adam Smith permet également de comprendre les éléments de continuité dans le système d’exploitation et de domination capitaliste. Bien sûr, la société a changé mais il y a de toute évidence des constantes qui méritent d’être soulignées.
Adam Smith, cette icône des Macroniens et de l’écrasante majorité de ceux/celles qui soutiennent que le système capitaliste est l’horizon indépassable de la société, a mis sous une lumière tout à fait crue l’action de la classe capitaliste et le soutien dont elle bénéficie au niveau des lois et du parlement. Cela mérite vraiment d’être lancé à la figure de prétendus experts et des journalistes main stream qui en réalité mettent leur énergie au service de l’injustice et qui d’Adam Smith ne connaissent vaguement que la « main invisible » [2].
Adam Smith réalise une analyse très fine des classes sociales de son époque et en particulier de la classe capitaliste et de la classe ouvrière. Il décrit la mécanique de la lutte de classes.
Dans ce passage, il explique ce qui fait consensus dans la « bonne » société de son époque (et cela reste valable aujourd’hui) :
« On n’entend guère parler, dit-on, de Coalitions entre les maîtres, et tous les jours on parle de celles des ouvriers. Mais il faudrait ne connaître ni le monde, ni la matière dont il s’agit, pour s’imaginer que les maîtres se liguent rarement entre eux. Les maîtres sont en tout temps et partout dans une sorte de ligue tacite, mais constante et uniforme, pour ne pas élever les salaires au-dessus du taux actuel. Violer cette règle est partout une action de faux frère et un sujet de reproche pour un maître parmi ses voisins et pareils. À la vérité, nous n’entendons jamais parler de cette ligue, parce qu’elle est l’état habituel, et on peut dire l’état naturel de la chose, et que personne n’y fait attention. » [3].
