Extrait :
Le capitalisme pourrissant secrète de la violence et de la peur à haute dose. Il s’agit de faire en sorte que la colère l’emporte sur la peur et que la violence s’éclaire à nouveau d’un objectif politique, à la façon dont Sorel revendiquait une nécessaire violence de l’opprimé, mais une « violence éclairée par l’idée de grève générale »5. À condition d’être liée à un objectif politique, pour lui comme pour Fanon, la violence, celle du prolétaire comme celle du colonisé, peut être constitutive de la subjectivation de l’opprimé : « Je n’hésite pas à déclarer que le socialisme ne saurait subsister sans une apologie de la violence : c’est dans les grèves que le prolétariat affirme son existence » (Le Matin, 5 août 1908). De même que la guerre a fourni aux républiques antiques « les idées qui forment l’ornement de notre culture moderne », de même « la guerre sociale peut engendrer les éléments d’une civilisation nouvelle ».
Cette violence assumée est pour Sorel aux antipodes de la force institutionnalisée des vainqueurs, a fortiori de leur cruauté : « J’ai horreur de toute mesure qui frappe le vaincu sous un déguisement judiciaire. ». Cette distinction entre force et violence est le fil conducteur des Réflexions : « Tantôt on emploie les termes force et violence en parlant des actes d’autorité, tantôt en parlant des actes de révolte. Il est clair que les deux cas donnent lieu à des conséquences fort différentes. Je suis d’avis qu’il faudrait réserver le terme de violence pour la deuxième acception ; nous dirions donc que la force a pour objet d’imposer l’organisation d’un certain ordre social dans lequel une minorité gouverne, tandis que la violence tend à la destruction de cet ordre »6. Il y aurait donc une différence radicale entre « la force qui marche vers l’autorité et cherche à réaliser une obéissance automatique, et la violence qui veut briser cette autorité ».
