Son mégaphone dans une main et des tracts dans l’autre, Isabelle Bouligaud va et vient devant une foule d’infirmiers et d’aides-soignants, allongée sur la chaussée à Saint-Etienne, dans le centre de la France. L’infirmière en pédopsychiatrie égrène un à un les maux qui accablent son métier : manque de personnel, de places et de moyens. La psychiatrie, qui faisait autrefois la fierté de la France, est aujourd’hui à l’image de ce die-in : à terre.
« J’ai l’impression de ne plus faire le travail pour lequel je suis payée et de faire semblant de soigner les patients », soutient Isabelle Bouligaud, 44 ans, dont 21 ans passés en psychiatrie. Celle qui est également représentante du personnel du syndicat Force ouvrière (FO), au centre universitaire hospitalier (CHU) de Saint-Etienne, raconte que son travail a été dépossédé de son sens au fil des années. « Depuis deux ans, je suis un jeune de 12 ans qui a des problèmes relationnels. Je le vois toutes les semaines, on a pu travailler sur son comportement et ses angoisses. Mais depuis septembre, à cause des réorganisations et du manque de personnel, je n’ai toujours pas revu cet enfant. C’est un peu comme si on lui avait enlevé un plâtre trop tôt. Cela créé de la frustration parce qu’on nous enlève la possibilité d’aller au cœur de notre travail. »
