Mémoire des luttes a organisé une rencontre le 17 décembre 2017 au Lieu Dit à Paris entre Lenny Benbara ( co-fondateur du site d’opinion Le Vent se lève), Charlotte Girard (co-responsable du programme de la France insoumise), Jorge Lago (professeur de sociologue, membre de Podemos, Espagne), Chantal Mouffe (philosophe, professeure de théorie politique), Christophe Ventura (rédacteur en chef du site de Mémoire des luttes), pour répondre aux questions suivantes :
Le populisme est-il l’avenir de la gauche ? Question osée ? Question dangereuse ? Rarement un mot ne fut l’objet d’un tel bombardement d’interprétations (souvent malveillantes) et de projections.
Qu’est-ce que le populisme ? Que n’est-il pas ?
Est-il une chance pour les mouvements populaires et la gauche ? Peut-il contribuer à la refonder ? A la rendre hégémonique ?
C’est Chantal Mousse qui a ouvert le débat avec une brève mais passionnante introduction dont je vais essayer de vous résumer ici les principaux thèmes :
Les médias essaient tous de présenter le populisme comme étant un danger pour la démocratie parce qu'ils représentent la position des défenseurs du statu quo qui essaient de disqualifier tous ceux qui mettent en question l'idée qu'il n'y a pas d'alternative à la globalisation néo-libérale.
On relève trois principales objections contre le populisme :
- Il considère le peuple comme un tout homogène
- Il donne de l’importance au leader donc c’est forcément un mouvement autoritaire
- Il nie la lutte des classes
Le populisme est une stratégie de construction de la frontière entre le nous et le eux. Marx la construit entre le prolétariat et la bourgeoisie, le populisme entre ceux d’en bas et ceux d’en haut.
Ce n’est pas une idéologie, ce n’est pas un régime, ce n’est pas une stratégie pour construire un régime mais pour construire un sujet politique qui soit, comme dit Mélenchon, une fédération d’intérêts.
Ce n’est pas une démarche antagoniste comme la Révolution française car ce ne serait pas compatible avec les institutions démocratiques. Le populisme doit être agoniste. Le Eux n’est pas un ennemi à détruire mais un adversaire contre qui on lutte à travers des procédures démocratiques. Le peuple n’est pas une catégorie sociale, il est construit politiquement précisément sur la base d’une frontière Nous/Eux. Le Eux est très important pour définir le Nous, mais le Nous ne crée pas un tout homogène. C’est une façon de fédérer toute une série de démarches démocratiques. Il faut trouver un moyen de les unifier. Pour cela il faut avoir un principe articulateur et c’est là que le rôle du leader peut être important. Son image devient le symbole du mouvement. Il faut prendre en compte le rôle des affects en politique. Le peuple est une cristallisation d’affects communs qui se produit plus facilement quand il y a un leader. Un leader n’est pas nécessairement autoritaire. Il peut être primus inter pares.
Un mouvement populiste, c'est toujours une articulation entre le vertical et l’horizontal. Un mouvement populiste ne peut pas être complètement horizontal.
A 17mn, Chantal Mousse passe la parole aux autres intervenants tous plus intéressants les uns que les autres. le premier est Jorge Lagon. Je vous laisse l'écouter ici :