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C’est quoi le salariat pour réseau-salariat?


Bonjour Caroline, Comme convenu, je reprends contact avec toi, pour te faire connaître les thèses que nous défendons à Réseau-Salariat, thèses qui cherchent à résoudre le problème central d'une organisation sociale capable de renégocier en permanence la définition collective de l'acte de travailler. Le concept de salariat que nous défendons évacue la subordination salariale, en déconnectant l'activité de la rémunération. La rémunération serait attachée à la personne (contrairement au CPA : http://www.ies-salariat.org/wp-content/uploads/2016/01/Notes_IES_39.pdf). La circulation des rémunérations serait socialisée, par prélèvement primaire sur la valeur ajoutée. Les travailleurs seraient ainsi libres de s'auto-organiser, sans subordination salariale. Il s'agit donc d'une forme de "post-salariat" (pour te paraphraser), mais qui consiste à redéfinir le concept (et les institutions qui le fondent) plutôt que de redéfinir l'intégration du salariat actuel dans de nouvelles institutions. Ce qui est fondamental dans notre projet est que la capacité de définir en permanence ce qui a de la valeur et ce qui n'en a pas serait garantie par un droit civique : le "statut de producteur de valeur". Ce nouveau droit politique inscrirait l'accession à une "majorité économique" en même temps que l'accession à la majorité politique, à 18 ans. Attention, quand nous disons "produire", c'est dans un sens très général, qui concerne toute forme de travail : marchandises, services (marchand ou non), activités diverses (artistiques, culturelles, etc.). Nos thèses ne sont pas "productivistes" au sens classique de la production de marchandises, bien au contraire ! Outre la distribution socialisée des salaires, une idée à laquelle je tiens beaucoup dans l'organisation sociale que nous proposons, c'est que ce statut politique confère aussi un droit à solliciter des investissements, à travers des institutions démocratiques délibératives. En effet, nous pensons que la propriété lucrative doit être totalement abolie, et donc que les investissements doivent être, eux aussi, socialisés. Ça implique une prise en charge par "la cité" des décisions d'investissement, de leur affectation, tout cela de façon démocratique. Cependant, rien à voir avec une étatisation de l'économie : les décisions se prendraient à différentes échelles, toujours avec des représentations multipartites. On ne décide pas d'ouvrir une nouvelle boulangerie comme on décide de la création d'une filière métallurgique, mais tout investissement important doit être examiné par différents acteurs institutionnels, détachés des critères actuels des rentiers. Pour les petits investissements, les entreprises auraient un volant d'autofinancement épargné sur la valeur ajoutée. Comme tu l'auras compris, la force de ce système est de faire tourner à plein régime un mécanisme qui a déjà fait ses preuves : la cotisation. Mais sans le cantonner à la sécurité sociale. On distribuerait tout le salaire par cotisation. Tout salaire serait donc comptablement "indirect". Les entrepreneurs ne seraient pas "employeurs", les travailleurs ne seraient pas salariés par l'entreprise mais par la société tout entière. Plus de "marché de l'emploi", ni de chômage. La cotisation serait également la seule source des investissements, il n'existerait plus de propriété lucrative. Plus de dividende, ni de rente. On pourrait même remplacer avantageusement le principe du crédit par celui de la subvention, mais ça nécessite des explications de détail. Ce système offre de nombreux avantages : - possibilité de s'auto-organiser et notamment de définir au sein de l'entreprise les heures de travail (à l'intérieur des bornes hautes définies par le Code du travail), sans relation avec la rémunération, - possibilité de faire le parcours professionnel que l'on veut, avec autant de pauses que l'on veut, - nécessité d'avoir un parcours cohérent pour solliciter la reconnaissance d'une progression dans la qualification, donc dans le niveau de salaire, avec un salaire plafond (calculs actuels : de 1500€ à 6000€, sans aucun impôt ni aucune taxe d'aucune sorte), - si pas envie de bosser dans un cadre déjà repérable, on a le premier niveau de salaire et on se bat dans les instances démocratiques pour faire reconnaître son activité particulière (nouvelle forme d'art, de services, etc.) comme étant qualifiante, - liberté de produire comme on veut, et de se donner des critères écologiques, sociaux, etc., sans dépendance envers l'investissement, - possibilité pour tout collectif de travail (même unipersonnel) de solliciter des investissements (sans crédit et par subvention, donc sans remboursement), - maintien de la propriété, mais cantonnée à la propriété d'usage, - et surtout, l'objectif cardinal : possibilité de redéfinir collectivement et en permanence les enjeux du travail (quoi produire, comment, pourquoi, etc.). Par rapport à l'existant, il faut "seulement" admettre : - fin de la propriété lucrative : aucune autre source de revenu que le salaire (mais salaire à vie et en progression avec la qualification) (j'appelle cet aspect : "désolé les rentiers, la fête est finie"), - société de l'usage mais avec la notion de propriété (le collectif de travail est propriétaire de son entreprise, le particulier propriétaire de son logement, de sa voiture, etc., mais impossible de tirer un revenu du fait d'être propriétaire), - tendance systémique à aller vers davantage de gratuité mais maintien d'une sphère marchande, - salaires plafonnés, - aucun besoin d'impôt ni de taxe, - mécanisme de formation des prix : ce point est en discussion au sein de Réseau Salariat mais ma position personnelle est que ce sera similaire à l'existant, avec sans doute la nécessité d'encadrer certains prix (en raison des échanges extérieurs notamment). Mais c'est déjà le cas pour beaucoup de prix, - métamorphoses dans l'industrie, avec la nécessité d'évacuer la pénibilité autant que possible (car liberté de travailler), - petite part de travaux irréductiblement pénibles ou dangereux : nécessité de service civique (ou autre solution à trouver !). J'en reste là, en espérant que tout ça est suffisamment compréhensible.

Franck, mars 2016


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