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ORGANISER LA PROPRIÉTÉ D’USAGE


Qui maîtrise la valeur économique contrôle la production de richesses et détient donc le pouvoir économique et politique. L’histoire du salariat et par extension celle de la classe ouvrière est un long combat pour arracher le contrôle de l’économie à la classe possédante. Depuis les sans-culottes de la Révolution française, en passant par la Commune de 1871, jusqu’aux grèves de Juin 1936 et de Mai 1968, ce fut chaque fois les occasions manquées d’une réappropriation sociale.

Aujourd’hui, les salariés représentent 93% de la population active, ils produisent la quasi intégralité des biens et services de notre pays. Même la machine qui automatise la production, c’est encore du travail humain pour la concevoir, l’entretenir, l’améliorer. Pourtant, sur la richesse produite collectivement tous les ans, 20 % sont prélevés pour les profits des actionnaires. L'essentiel de ces sommes sont utilisées sur les marchés financiers et non réinvesties comme le prétend le discours dominant. Rien ne justifie que 20% de la valeur ajoutée marchande échappent au contrôle démocratique de ceux qui la produisent. Surtout qu’en socialisant l’intégralité de la valeur ajoutée (salaire et profits) sous forme de cotisations, nous pouvons financer les salaires et les investissements. [lire socialiser la valeur ajoutée]

C’est d’abord au sein de l’entreprise que se joue le rapport de force qui permet d’imposer la propriété lucrative. Le salarié est lié à son employeur par un rapport de subordination. Il lui doit obéissance en échange de son salaire. S’il est employé, il est donc licenciable, malgré un droit du travail qui doit le protéger de l’arbitraire de son patron. C’est ce chantage à l’emploi, surtout en période de chômage de masse, qui permet de mettre la pression sur les salaires pour dégager des profits supplémentaires et obliger le salarié à accepter sa condition. C’est n’est pas le salariat en soi mais cette situation de dépendance vis-à-vis du marché du travail et dépossession de son outil travail qu’il s’agit d’abolir. La condition salariale doit s’émanciper de la propriété lucrative et de son rapport archaïque de subordination aux propriétaires des moynes de production. Au même titre que nous avons acquis les droits du citoyen nous devons désormais mettre en place un droit politique du producteur fondé sur la propriété d’usage des moyens de production. Le salarié, parce qu’il crée la valeur doit devenir copropriétaire de son outil de travail et acquérir ainsi un statut politique de producteur.

  • Une société de producteurs propriétaires de leurs moyens de production

La propriété d’usage, c’est la possibilité pour les salariés librement associés de cogérer l’entreprise en disposant de la création de valeur. Des milliers de salariés dans les coopératives de production font déjà l’expérience d’une activité sans actionnaire. Un salarié = une voix. Par conséquent, une autre organisation du travail doit voir le jour. Un partage équitable du travail permettra de dégager du temps pour que chacun puisse prendre part aux décisions de l’entreprise. Chaque salarié aura en tant que propriétaire d’usage, une voix au conseil d’administration mais pourra élire ses responsables hiérarchiques et son patron. L’entreprise devient un siège majeur de l’exercice des droits : en premier lieu du droit économique, mais aussi du droit à la culture et au débat politique.

A l’échelle de la société, nous passons ainsi d’une démocratie représentative (parlementarisme) à une démocratie directe, une économie pilotée démocratiquement pas la base, une République sociale des producteurs. La mise en réseau de la société et les principes collaboratifs liés à l’émergence des nouveaux communs autorisent parfaitement à imaginer un tissu économique développant une capacité d’interactions toujours grandissante. Les Grecs se réunissaient dans l’Agora pour délibérer. Les salariés se réuniront dans l’entreprise. Et qu’est-ce qu’Internet sinon une Agora planétaire ? Les potentialités du web, une fois émancipé de ses grandes firmes capitalistes, ouvre des perspectives infinies pour diriger le tissu économique sur le mode collaboratif à l’échelle de vastes territoires.

Frédéric Lutaud, mars 2016


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