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La formation nationale de RS par le petit bout de la lorgnette


Financement de l’investissement et propriété d’usage des entreprises.

La formation nationale des 20-22/11/2015 vue par une participante.

Qu’est-ce qui t’a amené à RS ?

Vendredi soir, à 20H, heure officielle d’ouverture de la formation, il n’y avait pas grand monde. Quelques participants mangeaient à la cafétéria, d’autres fumaient sur le perron et, dans la salle de réunion elle-même, il n’y avait que 5 ou 6 personnes assises à des années lumières les unes des autres, qui avaient l’air de s’ennuyer ferme. Je me suis répétée ma blague favorite en pareil cas : l’idéal serait de commencer les formations par le deuxième jour, quand les gens se connaissent et fusionnent… Hélas on ne peut pas faire l’impasse de la prise de contact et de tout ce qu’elle peut comporter de frustrant.

A RS, nous avons trouvé le moyen d’adoucir ce passage, à condition toutefois de démarrer la séance.

Tout en s’efforçant de briser la glace, les organisateurs s’activent. On installe la table avec la documentation, le buffet, on met les bouilloires électriques en route et les chaises en rond.

On attend 37 personnes mais avec les attentats qui viennent d’avoir lieu, on ne sait pas très bien qui sera là.

Puis on commence. Il n’y a pas de raison de pénaliser les gens qui sont à l’heure, et cela fera venir les retardataires…

Le principe est simple et fonctionne toujours à merveille. On se met par groupe de trois, un interviewer, un interviewé et un observateur. On a une heure pour, à tour de rôle, expliquer pourquoi on est là, comment on a connu RS et quelles sont nos attentes… « Je suis tombé sur une vidéo de B. Friot en 2012, raconte Guillaume ; j’ai été impressionné par sa vigueur intellectuelle. Il a mis mes idées cul par-dessus tête. C’était radical, concret et ce n’était pas de l’utopie. J’ai réfléchi, lu quelques livres et je me suis dit qu’il était temps que je rencontre des gens avec qui en parler, et voilà pourquoi je suis là ! »

Lorsqu’on revient dans le grand groupe, tout le monde est détendu et se sent partie prenante du séminaire. Les participants venus de toute la France et qui pour la plupart ne se connaissaient pas, forment maintenant un groupe prêt à faire de grandes choses.

Créer c’est résister

Le samedi matin, c’est le plat de résistance. A 9H, les animateurs de la formation, Aurélien, Claire, Laura et Romain nous présentent Michel Mas, le président de l’association les Amis de la Fabrique du sud basée à Carcassonne. Il est accompagné de son ami Benoît Borris, un journaliste parisien qui s’intéresse aux Scops autogérées et, tout particulièrement, à la Fabrique du Sud (dont la marque est la Belle Aude), la scop que soutiennent les Amis de la Fabrique de sud. Je lui laisse le soin de vous la décrire.

Ce qui m’a frappée, en écoutant Michel Mas, c’est l’intelligence et l’habilité dont ont dû faire preuve les salariés de l’ex usine Pilpa (qui fabriquait des glaces industrielles), pour vaincre l’opposition claire ou dissimulée des puissances publiques, alliées du capital, pour parvenir à leurs fins. Ils ont réussi à mettre l’opinion publique de leur côté et c’est seulement sous la pression publique que l’Aglo a finalement accepté d’acheter les 6 ha de terrain de l’usine, convoités par des promoteurs, (mais elle ne fait pas les travaux de mise en conformité !). Les courts délais imposés par l’état (pour les faire échouer) et le financement de la Scop n’ont pas non plus des problèmes faciles à résoudre. C’est là qu’intervient, entre autres, l’association dirigée par Michel Mas, un ancien syndicaliste à la retraite.

Aujourd’hui la Scop est florissante. Des banquiers, des avocats, des producteurs offrent leurs services bénévolement car le projet fédère et « les gens en ont marre de ce qui se passe ». Les grandes chaines de distribution commencent à s’intéresser à ses glaces artisanales. Il faut louvoyer serré pour que cela ne devienne pas le baiser de la mort. La Scop a déjà multiplié par 2 le nombre de ses chambres froides et projette de multiplier par 2 son personnel et par 5 son chiffre d’affaire. En 6 mois, les 20 camarades de départ ont développé des compétences extraordinaires dans la gestion, le management et la production.

Questions :

Niveau de conscience politique ?

Faible au début, il s’améliore avec la prise de conscience par les camarades de leur identité et des enjeux de leur lutte

Danger d’auto-exploitation ?

Il n’y en a pas vraiment pour le moment car les camarades sont à 35H.

Niveau des salaires ?

La Scop a été forcée par les pouvoirs publics d’avoir une convention collective. On a pris la plus basse. Les salaires vont de 1 à 1,3 et les plus bas salaires sont à 1300E

Degré de démocratie dans la prise de décision, comment s’est effectuée la mise en place des instances de décision ?

À la Fabrique du sud, tous les travailleurs, à l’exception des trois personnes en CDD, sont sociétaires et se réunissent une fois tous les mois en « Assemblée de Salariés » pour débattre de la vie de l’entreprise. Les dirigeants actuels sont ceux qui ont émergés de manière naturelle des groupes de travail sur la production, les bâtiments, la gestion, etc., qu’on avait tout de suite mis en place.

Quelle est votre vision de l’avenir ?

L’association des Amis de la Fabrique du sud va bien au-delà du local. Nous sommes très proches des Fralib. On fédère déjà les Scop du département et on se substitue à la CRES. On a beaucoup de projets, dont celui de mettre en évidence les compétences de la région. Mais on veut avancer tous ensemble avec les producteurs, car on ne veut pas s’approprier leur production, et cela nous ralentit.

Ensuite Benoît Borrits a pris la parole. Il est journaliste à Regards et il anime le site Association Autogestion que nous avons tout de suite ajouté dans les sites favoris de notre site idf. Il a suivi des reprises d’entreprise par des Scop et il s’intéresse à la cotisation –investissement, le thème de notre formation.

Son exposé porte principalement sur ses points de convergence et de divergence avec RS. Par ex, il pense aussi que le salaire doit représenter la totalité des revenus dans les sociétés non-capitalistes mais il ne croit pas à la qualification pour déterminer le montant du salaire. Il ne voit pas pourquoi le salaire ne pourrait pas être égalitaire, ni pourquoi les salariés ne pourraient pas être intéressés aux résultats de l’entreprise.

Il est contre l’autofinancement des entreprises, car très vite, selon lui, les coopérateurs commencent à se comporter comme des capitalistes. selon lui, en effet, c’est constitutif de la notion de fonds propres. A ce propos, il parle des coopératives Mondragon de la région Basque espagnole.

Pour plus de détails, je vous renvoie à son livre Coopératives contre capitalisme

Très content d’être là, Benoît Borris a décidé de rester avec nous pour tout le reste du WE.

Ateliers tournants (samedi après-midi)

La nouveauté était que nous sommes passés dans 3 ateliers différents avec le même groupe. La formule m’a séduite. La tendance naturelle d’un nouveau groupe est d’aller vers l’harmonie (avant que dans un seconde temps, n’apparaissent les conflits de pouvoir et de personne) mais cela demande, malgré tout, un peu de temps pour que des inconnus fusionnent suffisamment pour pouvoir travailler ensemble. Dans notre groupe, cela s’est fait assez rapidement, et nous avons passé un après-midi formidable. Dans le premier atelier : Dans la proposition de RS, quel mode de financement pour les « entreprises » non marchandes ?, nous avons décortiqué les notions de marchand et non marchand, monétisé et non monétisé : le marchand est-il ce qui est monétisé, ou est-il ce qui entre en concurrence sur un marché sans être nécessairement monétisé ?

J’ai fait une proposition de travail qui n’a pas été retenue :

  1. Quels biens d’intérêt général faut-il protéger en ne les mettant pas sur un marché ?

  2. La marché doit-il ou non être monétisé et dans quelle mesure ?

Puis on a quitté Aurélien pour aller voir Romain qui animait le second atelier : Qu'est-ce que la valeur ajoutée ?

C’est la différence entre ce qui entre et ce qui sort. C’est une notion à laquelle on donne de l’importance parce qu’il est facile de la mesurer et de la prélever au moment de la vente.

La valeur économique peut être attribuée à quelque chose qui a un entrant et un sortant, mais aussi à quelque chose qui n’a pas d’entrant (comme le médecin), ou les matières premières lorsqu’on veut en limiter la production. C’est toujours un choix politique. On choisit la hauteur de la contribution qu’on attribue aux produits du travail ou aux matières premières en fonctions de critères politiques.

Avec les mêmes mots on désigne des processus de création et de contribution.

Bernard appelle valeur économique la valeur. Il y a 3 sortes de valeur :

  • La valeur économique,

  • La valeur d’échange

  • La valeur d’usage

La notion de valeur économique est un meilleur concept car le concept de valeur ajoutée choisit de mettre en avant le schéma où il y a des entrants. Ce qui n’est pas pertinent.

Pourquoi, à RS, ne trouve-t-on pas de solution pour prélever la richesse autre que la cotisation par les entreprises, via l’économie marchande, via le prix ?

Sur ces belles paroles, on a pris nos cliques et nos claques et on a migré vers le troisième atelier animé par Claire : Comment mettre en pratique la co-propriété d’usage d'une entreprise?

Elle nous attendait de pied ferme, bien déterminée à ce que nous chaussions les chaussures fabriquées par les deux groupes précédents pour continuer la marche. Mais nous, nous voulions continuer à gambader au gré de notre fantaisie. Après quelques passes d’armes musclées comme il est d’usage (c’est le cas de le dire !) à RS, nous avons fait un tour de piste pour décider si on parlerait du logement ou des entreprises. Finalement on a parlé des Scops et de comment les aider à se protéger et se prémunir contre les pouvoirs publics acharnés à leur destruction. La Nef par exemple qui est en passe d’obtenir avec beaucoup de difficulté son agrément de banque de dépôt. Nous devrions consacrer plus du temps à cela à RS.

Après cette tournée d’ateliers on était crevés. Quelqu’un a dit que la prochaine fois il suivrait un entrainement pour se préparer à la formation…

Conférences gesticulées

Heureusement, le programme était bien pensé et le samedi soir a été festif.

Dimanche matin : les caisses d’investissements.

De toutes les idées de RS, les caisses d’investissement sont ce qu’il y a de plus facile à mettre en place a souligné Franck. Cela permettrait de faire concurrence au système existant. On devrait se renseigner pour voir sur quelle base juridique on peut créer une association pour collecter des fonds et les redistribuer en s’inspirant de ce qui existe déjà : la librairie des Volcans à Clermond-Ferrand par ex et bien sûr les Amis de la Fabrique du Sud. L’organe décisionnaire serait l’asso qui collecte les fonds et l’organe exécutif une banque comme la Nef. On a même commencé à parler des statuts et de la vie démocratique d’une telle asso…

Et pour finir, nous avons bouclé la boucle en décidant de demander à RS d’adhérer aux Amis de la Fabrique du Sud.

Evaluation :

Perso, j’ai beaucoup apprécié, comme d’ailleurs la plupart d’entre nous, la visite des deux intervenants extérieurs et les ateliers tournants.

Ce qui me gonfle depuis toujours dans les formations ce sont les restitutions. Il est clair que c’est un pensum pour tout le monde, pour le malheureux qui se dévoue pour réciter un monologue ennuyeux comme la pluie, comme pour tous les autres qui le subissent. On a toujours l’impression qu’on nous fait avaler l’arrête de force après avoir dégusté le poisson dans l’atelier.

On pourrait peut-être procéder autrement, par exemple en posant des questions plus personnelles à participants du grand groupe : Dans ton atelier, comment était l’écoute, la répartition de la parole ? Et toi as-tu appris quelque chose de nouveau dans le tien ? Comment as-tu trouvé l’animateur ? et le sujet ? le niveau des échanges ? Qu’est-ce qui t’a frappé dans le tien ? etc…

Conclusion :

Encore une belle formation, bien organisée, bien animée, replète (finalement on était plus de 30) de participants de grande qualité, qui avaient tous une bonne connaissance des thèses de RS, et dont certains avaient en plus une pensée originale et rafraichissante.

On se retrouvera avec plaisir pour de nouvelles aventures aux Estivales de RS qui auront lieu en Corrèze, pendant le WE du 15 août 2016.

Dominique, 25 novembre 2015


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