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Réseau Salariat au Colloque du Collectif National pour les Droits des Femmes (31 Janvier 2015)


1945-2015 : Les jours heureux au programme du Conseil national

de la résistance sont-ils toujours d’actualité ?

Julien Moutinho, Réseau salariat.

Abattre le capitalisme en 10 minutes, ce n’est pas simple. Je vais devoir resserrer mon argumentaire, mais vous pouvez approfondir les thèses de Réseau Salariat, c’est une association d’éducation populaire créée en 2011, suite aux conférences de B. Friot - un sociologue qui a étudié la sécurité sociale et la fonction publique. Une classe dominante ne le reste que tant que les autres classes adhèrent à son récit du réel. Lire des livres est nécessaire pour s’émanciper de cette domination. Quelques ouvrages : L’enjeu du salaire (B. Friot), L’enjeu de la cotisation sociale (Christine Jakse), Emanciper le travail (B. Friot). Des brochures ont été éditées collectivement dans le cadre de Réseau salariat :

  • La retraite c’est révolutionnaire !

  • Revenu inconditionnel ou salaire à vie ?

  • Le manifeste « Pour un statut politique du producteur ».

Pour résumer, les thèses de Réseau salariat visent à abattre le capitalisme, en tenant compte qu’il y a un « déjà-là subversif », qui nous permettrait de travailler tous, sans employeur, sans actionnaire, sans prêteur, et en dehors de la dictature du temps comme mesure de ce qui a valeur. Ces 4 fonctions sont les piliers du capitalisme, face auxquels on promeut le salaire socialisé, et la copropriété d’usage de tous les outils de production.

Je vais m’appesantir sur les institutions qui ont été créées par une classe ouvrière, lorsqu’ elle a été révolutionnaire et a conquis des choses subvertissant la pratique du travail capitaliste. Pourquoi s’intéresser à cela ? On pense souvent qu’on vit dans du capitalisme, et uniquement dans du capitalisme, or c’est faux. Il y a un conflit, et c’est ce conflit qu’on va essayer de vous faire saisir. C’est pour cela qu’on a intitulé notre intervention : « 1945-2015. Les jours heureux au programme du Conseil national de la résistance sont-ils toujours d’actualité ? »

La réponse qu’on apporte à ça, c’est : « Un peu oui, un peu non », plus précisément : « Un tiers oui, et 2/3 non ». Si on s’intéresse à ce qui fait valeur dans la société, à ce qui objective la violence dans notre société - c’est-à-dire l’argent - si on s’intéresse à ce qui fait le PIB, on peut voir sur l’écran, qu’on a deux PIB.

  • A gauche, la production actuelle d’un montant de 2 000 milliards d’euros par an.

  • A droite (ce qu’Edouard expliquera tout à l’heure), c’est comment généraliser le rouge qu’il y a au centre - c’est-à-dire la cotisation sociale - à l’ensemble du PIB.

Ce qu’on savait très bien, à l’époque où la classe ouvrière avait sa conscience de classe, c’est que salaires et profits sont antagonistes. Dans le PIB, cela se retrouve, nous avons le profit net (tout en haut), les patrons ou les actionnaires qui parasitent la production de l’argent, qui s’approprient le travail d’autrui.

La cotisation sociale et le salaire net sont tous les deux du salaire. L’idée, c’est de se débarrasser à la fois du profit et du marché du travail (« Apprendre à se vendre »), du crédit lucratif et de toute la propriété lucrative. Dans le PIB, étendre la cotisation sociale à l’ensemble du PIB. La cotisation sociale, c’est du salaire, et plus spécialement du salaire des soignants, des retraités, des chômeurs et des parents.

Je vais m’appesantir - parce que cela concerne plus la domination masculine - sur la retraite. Lors de la retraite, les femmes subissent une double peine. Non seulement elles ont une carrière salariale très inférieure à celle des hommes, à cause de la double journée. Les salaires des femmes sont en moyenne de 20 % inférieurs à ceux des hommes. Au passage à la retraite, cette différence passe à 40 %, entre les montants des pensions. Parce que le fondement des différences sur la pension de retraite est de plus en plus dû au calcul des annuités. Au fur et à mesure de la carrière, on va voir de plus en plus les différences dans la façon dont les personnes se sont vendues sur le marché du travail, en fonction de combien elles ont cotisé, en fonction de combien elles ont été « solidaires avec leurs ancêtres », on va déterminer leur pension...

Or, ce n’est pas parce qu’on a cotisé qu’on a droit à la retraite. Ce n’est pas comme ça qu’on a construit la retraite. Lorsqu’Ambroise Croizat - Ministre du travail - a créé la retraite, son idée n’était pas de faire de la retraite une période de loisirs, dans laquelle on fait ce qu’on veut, c’était de faire de la retraite une seconde carrière émancipée de l’emploi. C’est pour cela que la cotisation sociale, qui paie les pensions, a été conçue comme du salaire, qui n’est pas géré par des employeurs micro économiques.

Cela s’exprime dans les prix des biens et services qui sont vendus. Le samedi, en fin de journée, les salaires nets des personnes en emploi étaient à tel niveau, les profits des patrons étaient à tel niveau. Le lundi matin, les salaires nets étaient toujours à un tel niveau, et les profits de même, entre temps, il y a eu les pensions, les salaires des soignants, qui ont été versés, (et un peu plus tard, en 1958, les allocations des chômeurs). Le lundi, ce ne sont pas les profits qui ont diminué, mais ce sont les prix qui ont augmenté. C’est là-dedans qu’est venue s’exprimer notamment la reconnaissance des activités des retraités, et c’est ce qui a transformé leur activité en travail.

Le programme du CNR

Qu’est-ce que le CNR ? C’est avant tout une formation qui s’est faite dans la clandestinité. Jean Moulin, Pierre Villon, portée par le communisme, par la résistance combattive, par les FTP - la Main d’œuvre immigrée notamment. Cela n’a pas été uniquement un fait d’armes, la Résistance, cela a été le projet d’une société révolutionnaire. Cela veut dire : changer la pratique du travail. Concrètement, qu’ont-ils fait pour cela ? 4 grandes mesures économiques :

  • Des grandes nationalisations (celle de la Banque de France – la dictature de cet organisme est bien connue depuis Napoléon, notamment avec les avances au trésor, qui forçaient tous les gouvernements, même Léon Blum, à faire allégeance au gouvernement de la BDF).

  • La liberté d’expression

  • La Sécurité Sociale

  • La fonction publique.

La Sécurité sociale et la fonction publique sont les institutions qui résistent le plus, elles attachent des droits aux personnes, elles marginalisent le capital dans la production de la valeur. Le CNR a généralisé de manière subversive les assurances sociales de 1930, c’est-à-dire qu’il ne s’est pas appuyé sur le capital pour créer la Sécurité sociale – il n’est pas allé « taxer le capital », comme on l’entend dans un mot d’ordre actuel - mais sur la cotisation sociale. On est sous présence alliée, la cotisation sociale est gérée par les intéressés eux-mêmes dans les caisses de la Sécurité sociale.

Aujourd’hui, les retraités, les chômeurs, les parents et les soignants sont dans la même position que les femmes dans les années 1960, avant leur entrée dans le salariat. C’est-à-dire que l’on exalte l’utilité sociale, notamment des retraités, mais on nie qu’ils produisent de la valeur, on dit qu’ils sont « à la charge des autres personnes », et non pas qu’ils produisent leur pension par la cotisation.

Il faut sortir d’un rapport mémoriel à la résistance, en avoir une connaissance précise, et sortir d’un présent perpétuel, être les héritiers actifs des résistants, et combattre le fascisme, qui est la poigne de fer de la classe dirigeante capitaliste.

Edouard Grosz, Réseau Salariat

Evidemment que la dimension économique que nous laisse le Conseil national de la résistance ouvre des voies émancipatrices pour l’avenir, et qu’il faut s’en saisir pour améliorer le quotidien de toutes et de tous. Les différents axes que Réseau Salariat a entrepris de développer, notamment sur le « salaire à vie », sur la copropriété d’usage des entreprises, tout cela par le biais de la cotisation sociale, qui permet, comme on l’a vu tout à l’heure, d’étendre la totalité du PIB à la cotisation sociale, permettraient à tout citoyen de recourir à un nouveau droit, qui serait le statut politique du producteur - et de la productrice - de valeur économique. Celui-ci remplacerait la croyance qu’il faut qu’un individu soit obligé de se plier à un marché du travail. En place de cela, il reconnaitrait à chacun la capacité à produire de la valeur économique, sans recourir à un CV ou à un diplôme, mais simplement en reconnaissant la qualification propre à chacun et à chacune, une carrière salariale dans le cadre du salaire à vie, sur une base qui irait de 1500 à 6000 euros, et qui permettrait à chacun de s’épanouir dans des domaines qui l’intéresseraient, plus que par les opportunités que laisse un soi-disant plein emploi, qui génère plus de chômage et de précarité que de bonheur au travail.

Le bonheur au travail. Des études le montrent, si on prend l’exemple des retraités, lorsqu’on leur pose la question - en tout cas pour ceux qui ont une pension égale à leur dernier traitement net - ils expriment tout à fait leur bonheur à ce travail libéré de l’emploi, libéré de la dictature du temps. Cela ouvre un modèle, qui permettrait à chacun et à chacune de prendre la dimension qu’offre le travail du CNR là-dessus, et cela ouvre vraiment des dimensions intéressantes.

Un statut politique et un tel droit, cela demande de prendre conscience de l’historique que nous a dressé rapidement Julien, sur la présence d’un « déjà-là » extrêmement puissant. On ne part pas de rien, on part de quelque chose qui appartient au quotidien, à l’existence de tous. Tout le monde a recours à la protection sociale, à la pension de retraite, aux différentes branches de la Sécurité Sociale. Sans pouvoir faire un lien direct avec l’idée qui a été impulsé par le CNR, de changer la définition du travail telle que nous la vivons aujourd’hui - c’est-à-dire plus une dimension appauvrie. Aujourd’hui, ce qu’on vit, ça ressemble plus à de la ségrégation, à du sexisme, à de la violence, qu’à l’envie du travail bien fait, le temps nécessaire pour le réaliser. C’est ce qui suppose un travail sanctionné par un salaire à vie, de 18 ans à la mort.


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